INTRODUCTION
[Illustration]
PAR CHARLES SAROLEA
L'art de conter est un art essentiellement français et nulle région de
France n'a produit plus de conteurs exquis que le pays des Troubadours,
et parmi les conteurs provençaux nul n'est comparable à Alphonse Daudet,
et parmi les contes de Daudet nulle œuvre ne surpasse les _Lettres de
mon Moulin_.
Les _Lettres de mon Moulin_ sont l'œuvre radieuse de sa jeunesse.
Quand elles parurent dans _l'Événement_, en 1866, Daudet avait 26 ans.
Obligé à 15 ans de quitter sa cité natale de Nîmes, jeté à 17 ans sur le
pavé de Paris, ses débuts littéraires avaient été durs. Il s'était
essayé dans la poésie, au théâtre, et, avant d'atteindre sa majorité, il
avait eu des succès retentissants. Mais les _Lettres de mon Moulin_
furent son premier triomphe populaire. La veille encore presque inconnu
du gros public, il se trouva célèbre le lendemain.
Ce qu'il y a de vraiment étonnant dans les _Lettres de mon Moulin_,
c'est que, étant l'œuvre d'un jeune homme, elles n'ont aucun des
défauts de la jeunesse. La jeunesse est l'âge des hésitations, des
tâtonnements, des imitations maladroites; or les _Lettres_ sont d'une
sûreté, d'une fermeté de dessin, d'une originalité, d'une maturité,
d'une possession de soi qui confondent. La jeunesse est l'âge des excès,
de l'exubérance, de la démesure, de l'outrance; or les _Lettres_ sont
d'une sobriété, d'une mesure, d'une simplicité attiques.
Et d'autre part, n'ayant aucune des imperfections de la jeunesse, les
_Lettres de mon Moulin_ en ont toutes les qualités: la fraîcheur, la
spontanéité, le naturel, la verve, la facilité, et ce charme
indéfinissable qui se dégage, comme la senteur du thym et du romarin, de
toute l'œuvre et de toute la personnalité de Daudet. Les _Lettres_,
c'est le chant de la cigale à l'aube, c'est la source limpide
jaillissant de la montagne.
Les _Lettres de mon Moulin_ ne sont pas seulement un chef-d'œuvre
littéraire, elles sont une date et un document historiques, une œuvre
représentative. Elles sont l'apport, la contribution de la Provence au
trésor commun des lettres françaises. Elles se rattachent (n'en déplaise
à Jules Lemaître) à l'un des mouvements les plus intéressants de la
littérature contemporaine: le mouvement du Félibrige et la Renaissance
provençale. La Provence doit beaucoup à la nature, elle doit beaucoup
aussi à ses écrivains. Quelle région de France a été comme elle chantée
par ses enfants? Quelle autre province peut revendiquer en notre
génération une pléiade de poètes et de fins lettrés comme Aubanel et
Roumanille, comme Félix Gras et Mazel, comme Marieton et Aicard, comme
Mistral enfin, poète primitif égaré en plein dix-neuvième siècle, aède
qui incarne l'âme de sa race, comme Walter Scott incarne l'Écosse, comme
Runeberg incarne la Finlande, Mistral, le grand vieillard inspiré que
l'an passé toute la France acclamait et que déjà en 1859 Lamartine
saluait comme l'Homère de la Provence.
Daudet ne s'est pas servi, comme Roumanille et Mistral, du dialecte
provençal, du vieux parler roman et romain aux innombrables quartiers de
noblesse linguistique, il n'a pas écrit en langue d'oc, en langue d'or.
Il n'en appartient pas moins au Félibrige. Il a interprété les Félibres,
il les a soutenus, il les a glorifiés. Sans se lasser il a porté
témoignage pour son pays, pour son peuple, pour ses poètes.
Dans une des _Lettres de mon Moulin_ il a dit du poème de Mistral, de
_Calendal_: «Ce qu'il y a avant tout dans le poème, c'est la
Provence,--la Provence de la mer, la Provence de la montagne,--avec son
histoire, ses mœurs, ses légendes, ses paysages, tout un peuple naïf
et libre qui a trouvé son grand poète avant de mourir...
1100211744
[Illustration]
PAR CHARLES SAROLEA
L'art de conter est un art essentiellement français et nulle région de
France n'a produit plus de conteurs exquis que le pays des Troubadours,
et parmi les conteurs provençaux nul n'est comparable à Alphonse Daudet,
et parmi les contes de Daudet nulle œuvre ne surpasse les _Lettres de
mon Moulin_.
Les _Lettres de mon Moulin_ sont l'œuvre radieuse de sa jeunesse.
Quand elles parurent dans _l'Événement_, en 1866, Daudet avait 26 ans.
Obligé à 15 ans de quitter sa cité natale de Nîmes, jeté à 17 ans sur le
pavé de Paris, ses débuts littéraires avaient été durs. Il s'était
essayé dans la poésie, au théâtre, et, avant d'atteindre sa majorité, il
avait eu des succès retentissants. Mais les _Lettres de mon Moulin_
furent son premier triomphe populaire. La veille encore presque inconnu
du gros public, il se trouva célèbre le lendemain.
Ce qu'il y a de vraiment étonnant dans les _Lettres de mon Moulin_,
c'est que, étant l'œuvre d'un jeune homme, elles n'ont aucun des
défauts de la jeunesse. La jeunesse est l'âge des hésitations, des
tâtonnements, des imitations maladroites; or les _Lettres_ sont d'une
sûreté, d'une fermeté de dessin, d'une originalité, d'une maturité,
d'une possession de soi qui confondent. La jeunesse est l'âge des excès,
de l'exubérance, de la démesure, de l'outrance; or les _Lettres_ sont
d'une sobriété, d'une mesure, d'une simplicité attiques.
Et d'autre part, n'ayant aucune des imperfections de la jeunesse, les
_Lettres de mon Moulin_ en ont toutes les qualités: la fraîcheur, la
spontanéité, le naturel, la verve, la facilité, et ce charme
indéfinissable qui se dégage, comme la senteur du thym et du romarin, de
toute l'œuvre et de toute la personnalité de Daudet. Les _Lettres_,
c'est le chant de la cigale à l'aube, c'est la source limpide
jaillissant de la montagne.
Les _Lettres de mon Moulin_ ne sont pas seulement un chef-d'œuvre
littéraire, elles sont une date et un document historiques, une œuvre
représentative. Elles sont l'apport, la contribution de la Provence au
trésor commun des lettres françaises. Elles se rattachent (n'en déplaise
à Jules Lemaître) à l'un des mouvements les plus intéressants de la
littérature contemporaine: le mouvement du Félibrige et la Renaissance
provençale. La Provence doit beaucoup à la nature, elle doit beaucoup
aussi à ses écrivains. Quelle région de France a été comme elle chantée
par ses enfants? Quelle autre province peut revendiquer en notre
génération une pléiade de poètes et de fins lettrés comme Aubanel et
Roumanille, comme Félix Gras et Mazel, comme Marieton et Aicard, comme
Mistral enfin, poète primitif égaré en plein dix-neuvième siècle, aède
qui incarne l'âme de sa race, comme Walter Scott incarne l'Écosse, comme
Runeberg incarne la Finlande, Mistral, le grand vieillard inspiré que
l'an passé toute la France acclamait et que déjà en 1859 Lamartine
saluait comme l'Homère de la Provence.
Daudet ne s'est pas servi, comme Roumanille et Mistral, du dialecte
provençal, du vieux parler roman et romain aux innombrables quartiers de
noblesse linguistique, il n'a pas écrit en langue d'oc, en langue d'or.
Il n'en appartient pas moins au Félibrige. Il a interprété les Félibres,
il les a soutenus, il les a glorifiés. Sans se lasser il a porté
témoignage pour son pays, pour son peuple, pour ses poètes.
Dans une des _Lettres de mon Moulin_ il a dit du poème de Mistral, de
_Calendal_: «Ce qu'il y a avant tout dans le poème, c'est la
Provence,--la Provence de la mer, la Provence de la montagne,--avec son
histoire, ses mœurs, ses légendes, ses paysages, tout un peuple naïf
et libre qui a trouvé son grand poète avant de mourir...
Lettres de mon Moulin
INTRODUCTION
[Illustration]
PAR CHARLES SAROLEA
L'art de conter est un art essentiellement français et nulle région de
France n'a produit plus de conteurs exquis que le pays des Troubadours,
et parmi les conteurs provençaux nul n'est comparable à Alphonse Daudet,
et parmi les contes de Daudet nulle œuvre ne surpasse les _Lettres de
mon Moulin_.
Les _Lettres de mon Moulin_ sont l'œuvre radieuse de sa jeunesse.
Quand elles parurent dans _l'Événement_, en 1866, Daudet avait 26 ans.
Obligé à 15 ans de quitter sa cité natale de Nîmes, jeté à 17 ans sur le
pavé de Paris, ses débuts littéraires avaient été durs. Il s'était
essayé dans la poésie, au théâtre, et, avant d'atteindre sa majorité, il
avait eu des succès retentissants. Mais les _Lettres de mon Moulin_
furent son premier triomphe populaire. La veille encore presque inconnu
du gros public, il se trouva célèbre le lendemain.
Ce qu'il y a de vraiment étonnant dans les _Lettres de mon Moulin_,
c'est que, étant l'œuvre d'un jeune homme, elles n'ont aucun des
défauts de la jeunesse. La jeunesse est l'âge des hésitations, des
tâtonnements, des imitations maladroites; or les _Lettres_ sont d'une
sûreté, d'une fermeté de dessin, d'une originalité, d'une maturité,
d'une possession de soi qui confondent. La jeunesse est l'âge des excès,
de l'exubérance, de la démesure, de l'outrance; or les _Lettres_ sont
d'une sobriété, d'une mesure, d'une simplicité attiques.
Et d'autre part, n'ayant aucune des imperfections de la jeunesse, les
_Lettres de mon Moulin_ en ont toutes les qualités: la fraîcheur, la
spontanéité, le naturel, la verve, la facilité, et ce charme
indéfinissable qui se dégage, comme la senteur du thym et du romarin, de
toute l'œuvre et de toute la personnalité de Daudet. Les _Lettres_,
c'est le chant de la cigale à l'aube, c'est la source limpide
jaillissant de la montagne.
Les _Lettres de mon Moulin_ ne sont pas seulement un chef-d'œuvre
littéraire, elles sont une date et un document historiques, une œuvre
représentative. Elles sont l'apport, la contribution de la Provence au
trésor commun des lettres françaises. Elles se rattachent (n'en déplaise
à Jules Lemaître) à l'un des mouvements les plus intéressants de la
littérature contemporaine: le mouvement du Félibrige et la Renaissance
provençale. La Provence doit beaucoup à la nature, elle doit beaucoup
aussi à ses écrivains. Quelle région de France a été comme elle chantée
par ses enfants? Quelle autre province peut revendiquer en notre
génération une pléiade de poètes et de fins lettrés comme Aubanel et
Roumanille, comme Félix Gras et Mazel, comme Marieton et Aicard, comme
Mistral enfin, poète primitif égaré en plein dix-neuvième siècle, aède
qui incarne l'âme de sa race, comme Walter Scott incarne l'Écosse, comme
Runeberg incarne la Finlande, Mistral, le grand vieillard inspiré que
l'an passé toute la France acclamait et que déjà en 1859 Lamartine
saluait comme l'Homère de la Provence.
Daudet ne s'est pas servi, comme Roumanille et Mistral, du dialecte
provençal, du vieux parler roman et romain aux innombrables quartiers de
noblesse linguistique, il n'a pas écrit en langue d'oc, en langue d'or.
Il n'en appartient pas moins au Félibrige. Il a interprété les Félibres,
il les a soutenus, il les a glorifiés. Sans se lasser il a porté
témoignage pour son pays, pour son peuple, pour ses poètes.
Dans une des _Lettres de mon Moulin_ il a dit du poème de Mistral, de
_Calendal_: «Ce qu'il y a avant tout dans le poème, c'est la
Provence,--la Provence de la mer, la Provence de la montagne,--avec son
histoire, ses mœurs, ses légendes, ses paysages, tout un peuple naïf
et libre qui a trouvé son grand poète avant de mourir...
[Illustration]
PAR CHARLES SAROLEA
L'art de conter est un art essentiellement français et nulle région de
France n'a produit plus de conteurs exquis que le pays des Troubadours,
et parmi les conteurs provençaux nul n'est comparable à Alphonse Daudet,
et parmi les contes de Daudet nulle œuvre ne surpasse les _Lettres de
mon Moulin_.
Les _Lettres de mon Moulin_ sont l'œuvre radieuse de sa jeunesse.
Quand elles parurent dans _l'Événement_, en 1866, Daudet avait 26 ans.
Obligé à 15 ans de quitter sa cité natale de Nîmes, jeté à 17 ans sur le
pavé de Paris, ses débuts littéraires avaient été durs. Il s'était
essayé dans la poésie, au théâtre, et, avant d'atteindre sa majorité, il
avait eu des succès retentissants. Mais les _Lettres de mon Moulin_
furent son premier triomphe populaire. La veille encore presque inconnu
du gros public, il se trouva célèbre le lendemain.
Ce qu'il y a de vraiment étonnant dans les _Lettres de mon Moulin_,
c'est que, étant l'œuvre d'un jeune homme, elles n'ont aucun des
défauts de la jeunesse. La jeunesse est l'âge des hésitations, des
tâtonnements, des imitations maladroites; or les _Lettres_ sont d'une
sûreté, d'une fermeté de dessin, d'une originalité, d'une maturité,
d'une possession de soi qui confondent. La jeunesse est l'âge des excès,
de l'exubérance, de la démesure, de l'outrance; or les _Lettres_ sont
d'une sobriété, d'une mesure, d'une simplicité attiques.
Et d'autre part, n'ayant aucune des imperfections de la jeunesse, les
_Lettres de mon Moulin_ en ont toutes les qualités: la fraîcheur, la
spontanéité, le naturel, la verve, la facilité, et ce charme
indéfinissable qui se dégage, comme la senteur du thym et du romarin, de
toute l'œuvre et de toute la personnalité de Daudet. Les _Lettres_,
c'est le chant de la cigale à l'aube, c'est la source limpide
jaillissant de la montagne.
Les _Lettres de mon Moulin_ ne sont pas seulement un chef-d'œuvre
littéraire, elles sont une date et un document historiques, une œuvre
représentative. Elles sont l'apport, la contribution de la Provence au
trésor commun des lettres françaises. Elles se rattachent (n'en déplaise
à Jules Lemaître) à l'un des mouvements les plus intéressants de la
littérature contemporaine: le mouvement du Félibrige et la Renaissance
provençale. La Provence doit beaucoup à la nature, elle doit beaucoup
aussi à ses écrivains. Quelle région de France a été comme elle chantée
par ses enfants? Quelle autre province peut revendiquer en notre
génération une pléiade de poètes et de fins lettrés comme Aubanel et
Roumanille, comme Félix Gras et Mazel, comme Marieton et Aicard, comme
Mistral enfin, poète primitif égaré en plein dix-neuvième siècle, aède
qui incarne l'âme de sa race, comme Walter Scott incarne l'Écosse, comme
Runeberg incarne la Finlande, Mistral, le grand vieillard inspiré que
l'an passé toute la France acclamait et que déjà en 1859 Lamartine
saluait comme l'Homère de la Provence.
Daudet ne s'est pas servi, comme Roumanille et Mistral, du dialecte
provençal, du vieux parler roman et romain aux innombrables quartiers de
noblesse linguistique, il n'a pas écrit en langue d'oc, en langue d'or.
Il n'en appartient pas moins au Félibrige. Il a interprété les Félibres,
il les a soutenus, il les a glorifiés. Sans se lasser il a porté
témoignage pour son pays, pour son peuple, pour ses poètes.
Dans une des _Lettres de mon Moulin_ il a dit du poème de Mistral, de
_Calendal_: «Ce qu'il y a avant tout dans le poème, c'est la
Provence,--la Provence de la mer, la Provence de la montagne,--avec son
histoire, ses mœurs, ses légendes, ses paysages, tout un peuple naïf
et libre qui a trouvé son grand poète avant de mourir...
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Product Details
BN ID: | 2940013145405 |
---|---|
Publisher: | SAP |
Publication date: | 07/28/2011 |
Sold by: | Barnes & Noble |
Format: | eBook |
File size: | 146 KB |
Language: | French |
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